Ode à ma mère
Ma toute première peinture, un portrait de ma mère sous un abricotier parce qu'elle adorait les abricots.
Ma mère,
baptisée Rosa Bianca
une rose blanche, pure, fragile et délicatement parfumée
Or elle était tout le contraire
Pivoine pourpre aux multiples pétales
« Je n’ai jamais trompé votre père »
proclamé avec tous les trémolos d’une passion déçue
Violette au parfum entêtant
« Il faut se dévouer. Il faut servir les autres
il faut aimer son prochain comme soi-même
il faut il faut il faut »
Orgueilleuse orchidée
« Dans notre famille on ne devient pas danseuse »
Chardon agressif et castrateur
« Marie Danielle n’a aucun talent »
Jaune souci
« Marie Danielle est une petite jouisseuse »
Ortie irritante
« Seuls les hommes sont de grands artistes »
Pissenlit au goût amer
« Les remèdes les plus efficaces sont le jeûne et la purge »
Mais aussi splendide fleur de tournesol, elle qui si souvent s’exclamait
« E viva la libertà ! »
Tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai construit, tout ce que j’ai écrit
CONTRE ou MALGRÉ ma mère
aujourd’hui je réalise, je comprends, j’affirme et même je proclame
je l’ai fait GRÂCE À ma mère.
Et si, pendant longtemps ma rébellion m’a servi de moteur
il est temps maintenant de reconnaître et de célébrer
tout ce qu’elle m’a transmis